Nous ne
devions pas donner de nouvelles pendant 10 jours… mais nous revoilà déjà ! Eh
oui, car la montagne, ça vous gagne… pas toujours !
1er jour :
22 km, Munsyari (2300m) - Rargari Udyar (2100m)
Après être
passés chercher la tente et un sac de couchage avec notre mentor Gowind Singh
Pangtey, on prend la route tardivement vers le lieu de départ de notre trek. La
veille, la carte a été étudiée, les difficultés identifiées, les étapes a peu
près déterminées. Pour se mettre en jambe, 10 km de descente dont la moitie sur
route, nous entraine a basse altitude, au milieu des forets de conifères et de
bambou. Les petits villages aux maisons de bambou s’enchainent jusqu’à Lilam.
Ici, ça y est, il n’y a plus d’électricité. L’après-midi, on remonte une bonne
partie de ce qu’on a descendu le matin, les jambes sont lourdes, le sac aussi,
l’arrivée se fait dans la douleur. On se gave d’un thé et d’un festin de
chapattis le soir, au coin du feu.
2e jour : 20
km, Rargari Udyar (2100 m) - Railkot (3100 m)
Aujourd’hui,
le chemin est un vrai yoyo le long du torrent Gori Ganga, que l’on remonte. On
descend 30m de dénivelé pour en remonter 40 m aussitôt après. L’ascension est
pénible, casse les jambes. En chemin, on ne cesse de croiser des caravanes de
bergers menant leur troupeau aux pâtures prés de Milam. La plupart du temps,
les chèvres sont chargées de sacs de pommes de terre, de riz, de farine ou de
ciment, pour ravitailler les villages en amont. La pause déjeuner est longue,
trop longue à arriver. On stoppe finalement notre journée a 15h30, exténués,
après avoir enchaines 2 check-points des autorités militaires montagnardes (la
frontière tibétaine n’est qu’a 30 km). Les paysages commencent a être superbes,
les sommets enneiges font envie, le temps est idéal. We are lucky. Le soir, un
vieux barbu nous fait rêver en nous racontant ses escapades himalayennes.
3e jour : 20
km, Railkot (3100 m) - Lwa (3500 m)
De bon
matin, on rejoint rapidement Martoli, dernier ravitaillement possible
avant le camp de base du Nanda Devi. Les températures commencent à être
froides, le vent glacial. Il nous faudra à priori 3 jours pour faire l’aller
retour. On s’équipe en conséquence : 15 chapattis pour le soir, 21 paquets de
noodles, 20 paquets de biscuits. Le sac s’alourdit encore. Juste avant de
repartir, un jeune a la bonne idée (l’excellente idée) de nous prêter 2 bâtons
de marche. Malgré un petit détour involontaire, l’arrivée a Lwa se fait sans
grande difficultés. Nous sommes accueillis par un groupe de bergers qui passera
la nuit avec nous et une petite vieille excellente a qui l’on soigne un doigt
de pied un peu degueu. Tous n’arrêtent pas de nous parler Hindi (qu’on ne
comprend pas vraiment). Ils continuent quand même et semblent commenter tous
nos faits et gestes. Corvée de bois pour le feu, de foin pour s’isoler du froid
et douche au torrent glaciale occupant notre fin de journée. Superbe soirée
autour du feu sous les étoiles. Rien ne peut nous arriver…
4e jour,
jour du drame
Nous partons
ce matin pour 3 ou 4 jours en autonomie alimentaire. En chemin, plus de convoi
de mules ou de chèvres, chargées de ravitaillement. Le chemin est très peu
utilisé, au mieux par quelques bergers, le chemin est étroit, traverse de
grandes étendues de glace, se perd un peu parfois. 2 heures après être partis,
un camp de 4 bergers nous indique le chemin a suivre. Une heure plus tard, les
étendues de neiges sont de plus en plus fréquentes, de plus en plus pentues,
dangereuses. Un pas mal assuré et on vient s’écraser contre les rochers, avant
d'être emporté par le flot assourdissant du torrent. Celle qui vient est trop
dangereuse pour être traversée, on décide de la contourner par le haut. On
rejoint finalement le chemin. Il faut maintenant traverser un petit ruisseau
encaissé. Je passe et continue. Les filles suivent de près. Soudain, un cri
bestial déchire le calme ambiant. Trop aigu cependant pour être un ours. C’est
Marie ! Elle a glissé et a chu dans le ruisseau. Le genou est touché, ca ressemble
a une entorse (oui Marix je sais). Le chemin est escarpé, on peine à la
remonter dans l’herbe. Cécile reste avec elle et je file chercher des bergers
pour nous aider. Je veux aller trop vite et tente un raccourci par le haut de
la moraine de glace qu’on venait d’éviter. Je n’ai que 3 mètres à faire. Au
milieu, je dérape, tombe sur le dos et commence à filer vers le torrent plus de
30 mètres plus bas. Je n’arrive pas à m’arrêter, ni a me mettre sur le ventre,
mes baskets n’accrochent rien, mes bâtons sont trop longs pour que j'arrive à
les planter efficacement. En 3 secondes je suis en bas. Dans un dernier effort,
je prend un des bâtons a deux mains et pique la glace. Le bâton s’enfonce de 50
cm, je suis stoppé à 1 mètre du torrent. Je remonte en vitesse et accours
au camp des bergers, la fesse brûlée. Eux, super zen, sont en train de préparer
à manger. Ils refusent de bouger tant qu’ils n’ont pas quelque chose dans le
ventre. Je refuse l’invitation qu’ils me font, très énervé, et repars en
courant. Ils arrivent finalement une demi-heure plus tard et descendent Marie jusqu’à
leur camp sans grandes difficultés, pieds nus. Forcement, ils sont nés avec des
ventouses aux pieds. Apres un thé au lait de biquette et des noodles rapidement
avalées, on reprend notre route, avec l’un deux, jusqu’a notre point de départ
de la journée. On retrouve notre petite vieille et des bergers qui semblent désormais
nous regarder avec un mélange de pitié et de respect. La vieille à la voix
douce et chantante (je me souviendrai toute ma vie de cette voix) nous fait à
manger et reste un temps avec nous, autour du feu, à nous parler hindi.
5e jour : 25
km, Lwa (3500 m) - Nahar Devi (2700 m)
Le lendemain
matin, on engage un porteur pour redescendre. Il prend mon gros sac pendant
qu’on se relaie avec Cécile pour soutenir Marie. Il nous faut faire 50 km en 2
jours. Plus de 10 heures de marche ce jour. L’allure est très lente, décourageante.
Marie est héroïque. On en chie. Le soir, pendant le diner, notre porteur
raconte nos “exploits” aux bergers de l’étape. On revient de loin et on a eu
beaucoup de chance. Le respect et l’admiration se lisent dans leurs yeux.
6e jour : 25
km, Nahar Devi (2700 m) - Munsyari (2300 m)
Encore une
journée de plus de 10 heures de marche. Elle est rendue morose et dangereuse
par la pluie qui tombe sans discontinuer toute la journée, rendant les rochers
très glissants, transformant le chemin en torrent. Nous sommes mouillés
jusqu’aux os. Nos sacs ne sont plus qu’éponges. Tout au long du chemin, on rêve
d’un bain chaud et au resto qu’on se fera en revenant a Pondi. L’arrivée à
Munsyari est une grande victoire. Marie a encore été forte. Très déçus en
revanche par notre porteur qui nous demande plus que prévu. Notre refus crée un
attroupement sur la place du village, qui devient tribunal populaire.
Heureusement, le peuple nous soutient et on peut filer à l’hôpital ou le médecin,
rond comme une barrique, veut faire une piqure à Marie. Non ! Une bande suffira
! Si si !! Soirée très humide, sans rien a se mettre de sec.
Le 7e jour,
nous nous reposâmes.
Le bilan de
ce trek est tout de même nettement positif. De superbes paysages, des
rencontres passionnantes, une découverte constante, des sensations fortes… et
pures, les couleurs de la XII flottent dans l’Himalaya !!
Et puis, il
nous reste quand même 5 genoux pour 3…
Nous sommes
aujourd’hui de retour à Dehli après plus de 24 heures de bus, ou nous essayons,
en vain pour le moment, de consulter…
D’autres
nouvelles au prochain épisode.
A très bientôt
Guillaume